mercredi 4 janvier 2017

Registre des maîtres et disciples du Laṅka, Guṇabhadra


Début du Registre (section 2 de IOL Tib J710)

Dans le bouddhisme chinois, on trouve le phénomène d’écoles suivant un sūtra spécifique. Ainsi, l’école Huayen suit l’Avataṃsaka sūtra, l’école Tiantai le Saddharmapuṇḍarīka et l’école Ch’an aurait suivi le Laṅkāvatāra sūtra selon certains hagiographes (notamment le moine Jingjue env. 688-746, disciple de Hongren 602– 675). Cela semble en effet avoir été le cas jusqu’à Shenxiu (607-706) et avant que Shenhui (684-758) ne rattache le Ch’an plutôt au Vajracchedikā. Jingjue fut l’auteur du Lengqie shizi ji, le Registre des maîtres du Laṅka, qui avait donné lieu à des polémiques sur la transmission du Laṅka.

Il est notamment contesté que Bodhidharma, considéré comme le fondateur du Ch’an, eut été le disciple de Guṇabhadra, même spirituellement. Cent ans sépareraient les deux, si Bodhidharma est en effet un personnage historique. Dans la légende ultérieure du Ch’an et de Bodhidharma, la particularité de cette école est d’être « une transmission spéciale en dehors des écritures ». Elle ne peut donc pas être la transmission d’un livre, même du Laṅka… A cela s’ajoute qu’à partir de Shenhui, le Ch’an s’appuya plutôt sur le Vajracchedikā. Selon Bernard Faure, le Registre est la tentative d’un groupe marginal de disciples de Shenxiu pour agrandir le rôle joué par le Laṅka dans la transmission[1].

Les manuscrits retrouvés à Dunhuang comportent des versions chinoises et tibétaines du Registre des maîtres du Laṅka. A cause de certaines différences (il manque notamment la préface à la version tibétaine), il n’est pas certain que la version tibétaine de cette transmission (tib. lang ga'i mkhan po dang slob ma'i mdo, IOL Tib J710) soit la traduction de la version chinoise de Jingjue. Le récit des vies des maîtres est plus court, mais le contenu de leurs enseignements plus long.

Selon le récit de la vie de Guṇabhadra dans la version tibétaine, celui-ci aurait été déçu par l’état du bouddhisme en Chine à son arrivée. On y pratique le bouddhisme hīnayāna, des pratiques hérétiques, des pratiques de mantras magiques ou impliquant des dieux et des démons, notamment à des fins de divination. Mais même ceux qui étudient les textes bouddhistes et les pratiquent conformément ne trouveront pas l’éveil, s’ils ne rendent pas leur pensée libre (tib. bde ba sct. sukha). Pour cela, Guṇabhadra présente à la cour de l’empereur chinois une pratique secrète capable de rendre la pensée libre en introduisant les adeptes à la pensée d’égalité, qui n’est ni tournée vers l'intérieur, ni vers l'extérieur, et s'accorde avec sa vraie nature égale. Elle n’est autre que la pensée de l'Éveillé. Cette pratique est secrète car elle ne doit être donnée qu’aux personnes qualifiées. Elle intègre la pratique des six perfections.

Selon le Registre, qui daterait du VIIIème siècle, des bouddhistes (chinoises et tibétaines) auraient considéré la pratique façon hīnayāna, la pratique de mantras magiques, la pratique impliquant les dieux et démons, les pratiques de divination, et même les pratiques religieuses routinières (tib. chos spyod) comme inefficaces pour donner accès à la « pensée d’égalité » ou à la « pensée de l’Éveillé ». Ce fut pourtant longtemps avant l’invention du modernisme bouddhiste

Pour la traduction du chapitre sur Guṇabhadra, je me suis servi de l’édition tibétaine de Sam van Schaik et de sa traduction anglaise (Tibetan Zen pp. 79-84).



Extrait du Registre des maîtres et disciples du Laṅka (IOL Tib J710)

1. Guṇabhadra

Le Registre des maîtres et disciples du Laṅka, volume 1

Nous commençons par le premier, Guṇabhadra (tib. yon tan bzang po). A l'époque des empereurs chinois (tib. rgya rje) Song, le maître des trois Corbeilles (sct. Tripiṭaka ) Guṇabhadra vécut au Madhya en Inde . Il connaissait bien le Grand véhicule (sct. mahāyāna) et fut connu sous le nom de maître Mahāyāna. Pendant l'ère Yuanjia (424-453) des Liu-Song, il s'embarqua pour aller à Guangzhou (tib. kwang cu). Il fut reçu par l'empereur Song Taizu à Danyang jun.

Après avoir traduit le texte du Laṅka, les fils et les reines de l'empereur, qu'ils soient entrés dans les ordres ou non, lui demandèrent d'enseigner la méditation (sct. dhyāna). Mais comme Guṇabhadra ne maîtrisa pas le chinois, il perdit courage. Une nuit, il rêva qu'on lui trancha la tête avec une épée. Il changea d'idée et commença à enseigner la méditation. Le maître des trois Corbeilles (sct. Tripiṭaka ) dit :
« Comme ceux qui vivent dans ce pays d'Orient ne pratiquent (tib. las spyad) pas le Dharma, certains tombent dans des pratiques de portée limitée (hīnayāna) ou des deux à la fois. D'autres tombent dans les 59 pratiques hérétiques, et encore d'autres dans les pratiques de dieux et démons (tib. lha ma srin gyi lam[2]) et examinent les bons et mauvais signes pour tous. »
Puis il ajouta :
« Voilà ce que j'ai vu dans ma méditation. Les passions (sct. kleśa) jouent un grand rôle. Moi, je suis submergé par ces grands démons et d'autres aussi. Je ressens de la compassion pour ceux qui, en suivant les pratiques de dieux et démons durant de nombreux éons, naissent et meurent, et restent sous l'emprise des passions sans trouver la libération. 
Certains tombent dans des pratiques de mantras magiques, dans les pratiques de dieux et démons, et scrutent l'avenir d'eux-mêmes et d'autrui. Voilà ce qu'il en est. Ils ne comprennent pas [ma] pratique merveilleuse (tib. 'phrul gyi chos), car ils sont vulgaires, ordinaires, aveugles et corrompus. »
Après avoir convaincu tous, ils se tournèrent vers lui et le soutinrent.

« Considérez ceci comme une pratique durable (tib. mtha' yun). N'apprenez pas les pratiques des dieux et des démons, elles sont très mauvaises. Dans mon pays, Madhya, il existe une pratique authentique (scr. samyak), directe et secrète dont on ne parle jamais. Mais si on rencontre de bonnes personnes qualifiées (tib. rgu dang dbang po smin pa), on la leur enseigne. Elle n’est même pas révélée d'un détenteur unique à un autre[3], comme d’un père à un fils, si la personne n’est pas qualifiée. Quel besoin de parler de tous ceux qui n'y font pas confiance.

Le Livre du Laṅka dit que la pensée de l'Éveillé est la meilleure [part] de soi. La pratique enseignée par moi est de fixer la pensée sans la laisser émerger (tib. myi ldang ba'i). Cette pratique est meilleure que celles des trois véhicules et les dépasse. Elle dépasse les dix niveaux spirituels (sct. bhūmi) et elle est le fondement (tib. gnas) du fruit de l'Éveil. Quoi qu'il en soit, elle est apropriée pour maîtriser la pensée (tib. sems thub cing) et connaître la qualité fondamentale (tib. bdag (nyid)), mais il ne convient pas de la donner aux gens ordinaires (tib. gyi na ba).

La non-pensée (tib. sems myed pas) donne accès à une perception correcte. La non-remémoration (tib. dran ba myed pa) mettra le corps à l'aise (tib. bde bar bya). Ceux qui restent en isolation[4] (tib. dben bar) sans bouger, préserveront le principe éveillé (tib. phyi mo)[5] en se tournant vers l'authentique.

Ma pratique est cachée et précieuse (tib. gces pa). Elle ne doit pas être transmise aux gens ordinaires aux idées bornées sans profondeur. Mais elle peut être donnée et pratiquée par des gens en possession des bonnes qualités (tib. legs pa'i dpal). Cent pour cent des gens ne la connaît pas. Un pour-cent des gens la connaît. Si ceux-ci veulent s'éveiller, ils doivent d'abord rendre libre[6] la pensée (tib. bde bar bya)[7]. Si la pensée n'est pas libre, même la vertu ne sera pas vertueuse. Que dire des actes négatifs... Si la pensée est libre et qu'elle ne bouge pas, il n'est pas fait de différence (tib. gnyis ka byed pa) entre le bien et le mal (tib. legs nyes).

Il est dit dans le Gaṇḍavyūhasūtra : « Les choses ne sont pas vues par des choses, les choses ne sont pas connues par des choses. »

Depuis que je suis arrivé dans ce pays, je n'ai jamais vu même le nom d'une pratique spirituelle, alors que dire de ceux qui ont réussi à rendre leur pensée libre. Il n'y en a pas. De temps à autre, je vois quelqu'un faire un rituel (tib. las byed pa), mais pas à la façon d'une voie spirituelle.

Certains le font pour se faire une bonne réputation, d'autres pour de l'argent ou pour leur subsistance. Encore d'autres le font pour leur maître (tib. gang zag)[8] ou pour eux-mêmes. Mais ils le font par envie (tib. phrag dogs). Comment cela ? Si la motivation principale est l'envi, cela va à l'encontre d'une voie spirituelle. Certains pratiquent une voie spirituelle en agissant conformément aux textes assimilés et acquièrent ainsi un statut élevé. D'autres se tournent vers eux, les soutiennent, subviennent à leurs besoins en leur donnant un peu d'argent. Cela fait naître de l'envi, de la colère et du dégoût. En pensant « je suis meilleur que lui » on reprend son désir à son compte[9]. Cela s'appelle l'envi.

Ceux qui sont dotés de connaissance et d'intelligence et pratiquent diligemment jour et nuit, déracinent la souffrance et se débarrassant des travers et des obstacles, mais leur voie spirituelle sera [justement] motivée (tib. g.yo) par les obnubilations et les travers respectifs (tib. so so).

Cela ne convient pas à la liberté (tib. bde ba) et à la stabilité (tib. mi g.yo ba), mais s'appelle [néanmoins] « pratiquer le dharma ». Ce n'est pas ce qui est appelé « la pensée libre » (tib. sems bde).

Certains suivent les six perfections, expliquent le dharma, et pratiquent la méditation. Certains atteignent le deuxième et troisième niveau de concentration (sct. dhyāna), tout en continuant d'accumuler les actes affligés (sct. kliśta) et cela sans fin. On ne peut appeler cela ni « vertu », ni « pratique du dharma » (tib. chos spyod). Un moine qui arrose (tib. ma bcus) le champs de ses actions avec du purin (tib. snred pa'i chu[10]), mais sans y faire pousser les graines de la connaissance, c'est cela la « pratique du dharma » (tib. chos spyod[11]). Il y a quatre façons pour « rendre la pensée libre ».

1. La pensée contraire à sa vraie nature (tib. gzhung)[12]. C'est la même tournure d'esprit que celles des êtres ordinaires.

2. La pensée tournée vers sa vraie nature (tib. gzhung). C'est celle qui se détourne de la naissance-mort, qui cherche la quiétude (sct. nirvāṇa),

en se tournant vers la vacuité et la stabilité (tib. mi g.yo ba). Elle est connue comme « la pensée de l'auditeur (sct. śrāvaka) ».

3. C'est la pensée tournée vers sa vraie nature, qui déchire les voiles (sct. āvaraṇa) et suit sa vraie nature. Il s'agit [de la pensée d'] un être expert en le fonctionnement du mental (sct. manas), mais ce n'est pas la pensée éveillée.

4. La pensée égale (sct. mnyam snyoms pa'i) n'est ni tournée vers l'intérieur, ni vers l'extérieur, mais s'accorde avec sa vraie nature égale. De ce fait elle est la pensée de l'Éveillé.

Elle ne voit pas l'ordinaire et le merveilleux, la naissance et la mort, le rassemblement et la dispersion[13], la sagesse et ces choses-là (tib. de rnams), mais leur nature profonde non-duelle surgit simultanément avec leur sens. La souillure et la propreté du mental sont identiques. l'Éveillé et les êtres aussi sont égaux et convergent (tib. mdo[14] gcig).

Comme elle est pure en essence, on lui donne le nom « pensée d'égalité ». Le Livre du Laṅka dit : « Le tout (sct. sarva) est sans quiétude (sct. nirvāṇa) et même sans la quiétude de l'Éveillé.[15] Elle est libre de la sensation (sct. vedita)[16] de la sensation. Elle est aussi libre d'être et de non-être. »

Sur la voie de la pratique du grand véhicule, ce qui n'a jamais existé à partir du principe éveillé (tib. phyi mo) étend partout sa pureté. Tout ce qui existe à partir du principe éveillé ne se développe (tib. thob pa ma yin) que de causes (tib. rgyu las + ma). C'est par exemple comme la lumière du soleil couverte par des nuages dans le ciel. Quand les nuages se dispersent (tib. dang), le soleil apparaît.

Quel besoin d'études nombreuses et laborieuses ? Même en connaissant et en voyant tous les graines de sables et de poussières, les lettres écrites et les mots prononcés, on continuerait sur le chemin de la naissance et de la mort. Ceux qui suivent un chemin de pratique exprimé par des explications verbales et des lettres écrites cherchent (tib. brkam) la nourriture et l'argent (tib. khel), qui seront leur propre perte et celle des autres. Elles ne sont pas de compagnons appropriés pour la vertu.

Prenons l'exemple d'un miroir bien propre. Quand toutes les impuretés ont été essuyées, il est propre et reflète bien [les formes]. Aussi, il ne faut pas agir sur [toutes (tib. so chog)] les choses à partir du principe éveillé. Un texte dit : « Il n'y a pas d'actes de l'Éveillé. L'Éveillé ne libère pas non plus les êtres. » En se livrant à des analyses poussées, [les êtres ou les érudits ci-dessus] pensent que l'Éveillé libère les êtres. Mais si leur pensée ne connaît pas le non-agir, elle n'aura pas accès à l'immuable (tib. avikāra). En en faisant l’expérience directe (tib. rig pa), il se manifestera concrètement. Ce n'est pas à travers des vastes actes conditionnellement produits (tib. rkyen las g.yo ba[17]). Il n'y a rien à entreprendre. Rien ne l'empêche. Son nom est « l'observance du grand chemin de la pratique (dharma) » (tib. chos lam chen po spyod pa). Sans différence entre soi et autrui. Toutes (tib. so chog) ses observances (sct. cārya) et toutes (tib. so chog) ses lignées (tib. rus pa) sont sans premier, ni dernier, ni intermédiaire. Son nom est Grand véhicule.

Sans aucun attachement pour l'extérieur ni l'intérieur, le nom de cette équanimité ultime est « le grand don ». Il est la perfection de la générosité.

La non-obtention de l'équanimité envers le bien et le mal est la perfection de la moralité.

Ne rien entreprendre par rapport aux objets mentaux et être équanime envers les amis et les ennemis, c'est la perfection de la patience.

Agir comme le Sage (sct. muni) c'est la perfection de l'énergie.

Ne pas faire de différence entre l'absence de stabilité et la stabilité (tib. gso' corrigé en g.yo) et est la perfection de la concentration (sct. dhyāna).

L'absence de manifestations (tib. snang ba med pa) suite à la stabilité parfaite est la perfection de la sagesse (sct. prajñā).

Le nom de cette connaissance est « Grand véhicule »[18]. Chercher le Grand véhicule n'aboutirait qu'à une pensée malaisée et à des erreurs concrètes. Le Livre de pratique des grandes phases (tib. rim pa chen po[19] chos gyi yi ge) explique que les cinq yeux des éveillés scrutent la pensée et les objets mentaux (dharma) de tous les êtres, pour ne rien voir à la fin. Et le Gaṇḍavyūhasūtra explique que l'absence de vision donne le pouvoir de voir l'origine (sct. ādi).

Le Discours sur l'altruisme (tib. phan sems gyi mdo) : « Il n'y a rien à voir pour les yeux. Il n'y a rien à connaître pour les oreilles, le nez, la langue, le corps, le mental et la conscience. C'est cela la vision, l'audition, la sensation et la perception des tathāgatas (tib. yang dag par gshegs pa)[20] ».

Être capable de voir, entendre, sentir et percevoir ainsi est appelé « voir et percevoir directement ».

Le Discours sur la méditation (tib. bsam tan gyi mdo) explique : « les chauve-souris et les chouettes ne voient rien la journée, mais voient les choses (tib. rdzas) la nuit. Même en connaissant tout (sct. sarva), la pensée est dans l'erreur, quand elle est le retour (tib. lan) de ce qui est erronée. Pourquoi, parce que les chauve-souris et les chouettes voient des apparences dans ce qui est obscur pour les autres. Les hommes ordinaires aussi voient comme une obscurité ce qui est apparent aux autres. La pensée est dans l'erreur sur tout, quand elle est le retour (tib. lan) de ce qui est erroné. »

Pareillement, certains ne voient pas les choses (dharma) authentiques, obnubilés par l'agir (karma). De ce fait, ils n'ont ni accès à l'immuable dans la lumière, ni dans l'obscurité. Si l'on comprend cela, on ne sera pas trompé ou perturbé par l'erreur et l'on entrera dans le nid du bonheur permanent du tathāgata (tib. yang dag par gshegs pa).

Le grand maître dit : « Voici ce qui est expliqué dans le Discours de Laṅka : « Comment rendre limpide (tib. dang ba) la pensée. Ne pensez pas de pensée qui ne soit pas vraie (tib. mi bden pa). Ne pensez pas que la pensée ne soit pas vraie. Regrouper[21] les autres pensées, c'est penser l'Éveillé. Regrouper les autres pensées, c'est penser la sagesse (sct. prajñā). La penser sans interruption, c'est la vacuité et la non-pensée. Le principe éveillé vide, l'expérience (tib. rig pa) de la pureté (tib. gtsang ma). »

Une autre fois, il dit : « Une fois reçue (tib. nos pa/nod pa), [la pensée d’égalité] ne bougera (tib. nur ba) plus. Elle restera stable (tib. mi g.yo ba) pour toujours. C'est ce qu'avait expliqué l'Éveillé. »


***

[1] The Will to Orthodoxy: A Critical Genealogy of Northern Chan Buddhism

[2] Lha ma srin serait l’abréviation des huit classes de dieux et démons (tib. lha ma srin sde brgyad). On pourrait dire du chamanisme.

[3] gcig la gcig myi bstan na « Jingjue developed his own ideology of special transmission from the patriarchs to their select disciples, but this was not yet as exclusive as Shenhui’s notion of one Dharma-heir in each generation. » Wendi L. Adamek, The Mystique of Transmission, On an Early Chan History and Its Contexts-Columbia University Press (2007).

[4] La triple ou quintuple isolation ? Corps, parole et mental.

[5] « The Master then adds that by means of viewing the locus of nonexistence, discernment (mthong-pa) - which is none other than Bodhi, expressed as 'fundamental root' (rtsa-ba'i phyi-mo) - is realized. In short, the thrust of the text's message is that the viewing of the locus of nonexistence constitutes the single most important practice for the attainment of Bodhi. » Tibetan Buddhism Reason and Revelation, Kenneth K. Tanaka and Raymond E. Robertson. Extrait du Gig-char yang-dag-pa'i phyi-mo'i tshor-ba, Pelliot tib. 116.

[6] Je traduirai bde ba (sct. sukha) par libre, dans le sens de aisé. L’absence d’entraves et de blocages est ce qui rend aisé, libre, heureux.

[7] Plusieurs textes de Dunhuang mettent l’accent sur l’importance de la pensée et du corps « à l’aise » (tib. bde ba). S’agit-il de « l’aise » de la triple expérience : mi rtog, gsal ba, bde ba ?

[8] Pour quelqu’un, van Schaik interprète « maître », ce qui semble juste.

[9] Le mimétisme selon René Girard ?

[10] = sned pa'i chu

[11] Dans les textes du style mahāmudrā ou dzogchen, les occupations quotidiennes religieuses (tib. chos spyod) peuvent être traitées avec mépris, quand elles passent à côté de l’essentiel.

[12] Selon van Schaik gzhung est le principe universel : inner continuum / nature [སེམས་ཀྱི་གཞུང, གཞུང་དྲང་].

[13] Van Schaik traduit « skye shi » par saṁsāra et nirvāṇa et « 'du mched » par moyens (upāya).

[14] 2) crossing-place / confluence [roads, rivers / valleys / mts];

[15] Van Schaik : « Buddhas are beyond nirvāṇa ».

[16] Van Schaik : « experience ».

[17] Traduction tibétaine ancienne de pratītyasamutpāda selon van Schaik (p. 75). rTen cing ‘brel ba est la traduction habituelle.

[18] Le texte semble considérer la perfection de la sagesse et le Grand véhicule comme des synonymes.

[19] Mahākrama est le nom donné plus tard au Guhyasamāja-tantra.

[20] La traduction tibétaine de tathāgata ne semble pas encore fixée. « With regards the date of translation into Tibetan, Ueyama suggests sometime between 780 and 800, based on extensive analysis of the terms employed in the translation of this text compared with those adopted in the Mahavyutpatti. He arrived at this conclusion based on the fact that some of the terms adopted, such as yang-dagpar gshes-pa instead of de-bzhin gshegs-pa for 'tathagata', do not conform to those of the Mahavyutpatti. Accordingly, he concludes that the text was translated prior to the systematized, state-sponsored translations of the early ninth century. This dating is, however, rejected by K. Okimoto who claims that the two premises on which Ueyama's theory rests-that the text was translated in Tibet proper, as opposed to Tun-huang, and that in Tun-huang the preMahqvyutpatti terms were abandoned after the institution of the standardized Mahavyutpatti renderings-have yet to be proven historically valid. He, instead, suggests sometime between 800 and 848, the end of Tibetan occupation, as a more realistic translation date. » Kenneth K. Tanaka and Raymond E. Robertson

[21] bstu ba : bring together discordant elements, collect in one heap things unlike one another. regrouper = unifier ?


Texte tibétain édité par Sam van Schaik

l.15r.1: ༇།ཿ།ལིང་ཀའི་(ལང་གའི་)མཁན་ཕོ་(པོ)དང་སློབ་མའི་མདོ་བམ་ཕོ་(པོ)གཅིག་གོ།། །།ཐོག་མ་གཅིག་སྟེ། ཁིའུ

l.15r.2: འད་བར་ཏ་རས་(ཡོན་ཏན་བཟང་པོ་)བཤད་ཕཱ(པ)། །རྒྱ་རྗེ་སོང་གི་ཚེ་ན། རྒྱ་གར་གྱི་དབུས་གྱི་ཡུལ་ནས། ཆོས་གྱི་མཛོད་གསུམ་གྱི་མཁན་པོ་ཁིའུ

l.15r.3: འད་བར་ཏ་ར། །ཐེག་པ་ཆེན་པོ་ལ་མཁས་པར་ཤེས་པ། །མཁན་པོ་མ་ཧཡན་ཞེས་བྱ་བཱ། །ལོའི་མྱིང་འགྭན་ཀྭ

l.15r.4: ཞེས་བྱ་བཱ། །ལོ་གཅིག་ལ་གྲུ་ཆེན་པོར་ཞུགསྟེ། །ཀྭང་ཅུར་ཕྱིན་ནས། །རྒྱ་རྗེ་སྩོགས་ཏ་ཆོས་ཏན་ཡང་ཅུན་ཏུ་བསྩུསྟེ། །

l.15v.1: ལིང་ཀའི་ཆོས་གྱི་ཡི་གེ་བསྒྱུར་ནས། །རྒྱ་རྗེའི་སྲས་དང་ཀོང་ཅོ་ཁྱིམ་ནས་བྱུང་བ་དང༌། །མ་བྱུང་བས་བསམ་གཏན་བསྟན་པའྀ

l.15v.2: སྒོ་དབྱེ་བར་གསོལ་ནས། །བར་ཏ་རྒྱའི་སྐད་མྱི་ཤེས་ཏེ། །སྙིང་ལ་ཆགས་ནས། །མཚན་མོའི་རྨྱི་ལམ་ན། །རལ་གྱྀས་(གྲིས)

l.15v.3: མགོ་བཅད་དེ། །བརྗེས་པ་སྙམ་བྱེད་ནས། །བསམ་གཏན་བསྟན་པྀའ་སྒོ་ཕྱེ་ན། །ཆོས་གསུམ་གྱི་མཁན་པོ་ན་

l.15v.4: རེ། །ཡུལ་འདི་ཤར་ཕྱོགས་ན་འདུག་པས་ལས་སྤྱད་དུ་ཆོས་མྱེད་པས་ན། །ལ་ལ་ནི་ཐེག་པ་ཆུང་ངུ་དང༌།

l.16r.1: ༇།ཿ།ཐེག་པ་གཉིས་གྱི་ཆོས་སུ་ལྷུང༌། །ལ་ལ་ནི་མུར་འདུག་པ་རྣམ་པ་དགུ་བཅུ་པ་ལྔའི་ཆོས་གྱི་ནང་དུ་ལྷུང༌།

l.16r.2: །ལ་ལ་ནི་ལྷ་མ་སྲིན་གྱི་ལམ་དུ་ལྷུང་སྟེ། །མྱྀའོ་ཆོག་གི་ལེགས་ཉེས་གྱི་དོན་ལ་བརྟགས་ན། །དེ་ན་རེ་བསམ་བཏན་

l.16r.3: གྱི་ནང་ནས་མཐོང་བ་འདྀ་ནི་ཉོན་མོངས་པའྀ་དོན་ཆེན་པོ་སྟེ། །གདོན་ཆེན་པོ་བདག་ཀྱང་བྱིང༌། །གཞན་ཀྱང་བྱིང༌། །

l.16r.4: ངས་དེ་ལྟ་བུ་ལ་སྩོོགས་པ་བསྐལ་པ་ཡུན་རིང་དུ། །ལྷ་མ་སྲིན་གྱི་ལམ་ན་འདུག་ཅིང༌། །ཡུན་རིང་དུ་སྐྱེ་ཤིས་སྙོན་

l.16v.1: སྨོངསྟེ(ཉོན་མོངསྟེ།) །གྲོལ་ཐར་མ་ཐོབ་པ་སྙིང་རྗེའོ། །ལ་ལ་ནི་སྒྱུ་མའི་སྔགས་གྱི་ཆོས་གྱི་ནང་དུ་ལྷུང་སྟེ། །ལྷ་མ་སྲིན་མངག

l.16v.2: ཅིང༌། །ཁོང་གཞན་གྱི་ད་རུང་མ་འོངས་པའི་དོན་ལ་ལྟ་བ་ཀུན་དེ་ལྟ་བུ་ཡིན་ནོ། །མྱི་ཕལ་ཐ་མལ་པ་ལོང་བ

l.16v.3: བསླད་པས་མྱི་ཤེསྟེ། །འཕྲུལ་གྱི་ཆོས་དེ་ལྟ་འོ་ཞེས་ཟེར་ཏེ། །ཀུན་བཏུལ་ཕབ་ནས། །ཕྱོགས་ཤིང

l.16v.4: སྟེན་དུ་བཅུགསྟེ། །མཐའ་ཡུན་གྱི་ཆོས་ཡིན་དུ་འཛིན་ཏོ། །ལྷ་མ་སྲིན་དང་འདྲེ་གདོན་ཡོད་པའི་ཆོས་ཡིན

l.17r.1: ༇།ཿ།ཡིན་བར་མྱི་ཤེས་པ་དེ་ཤིན་ཏུ་སྡུག་གོ། །ངའི་དབུས་གྱི་ཡུལ་ན་ཡང་དག་པ་དྲང་པོའི་ཆོས་གསང་བ་ཡོད་དེ་མ་བརྗོད་དོ། །བདམསྟེ

l.17r.2: རྒྱུ་དང་དབང་པོ་སྨྱིན་བ་ཡོད་ན་ནི། །ལམ་ཀར་ཕྲད་པའི་མྱི་འཛངས་(མཛངས་)པ་ལ་ཡང་བསྟན་ཅིང་སྦྱིན་ནོ། །དབང་པོ་མ་སྨྱིན་པ་ནི་ཕ་བུ་ཡང

l.17r.3: གཅིག་ལ་གཅིག་མྱི་བསྟན་ན། །ཡིད་ཐ་དད་པ་ལྟ་སྨོས་ཀྱང་ཅི་དགོས།ཿ།ཿ།ལིང་ཀའི་ཆོས་གྱི་ཡི་གེ་ན་རེ་སངས་རྒྱས་

l.17r.4: རྣམས་གྱི་སེམས་ནི་རང་གི་མཆོགསྟེ། །ངས་ཆོས་བསྟན་པ་ནི་སེམས་མྱི་ལྡང་བའི་གནས་ཡིན་ནོ། །ཆོས་དེས་ནི་ཐེག་པ་གསུམ་ལས་

l.17v.1: འཕགསྟེ་རྒལ་ཏོ། །ས་བཅུ་ལས་འདས་ནས་མཐའ་ཡུན་གྱི་སངས་རྒྱས་གྱི་འབྲས་བུའྀ་གནས་འདི་ཡིན་ནོ། །ཅི་ནས་ཀྱང་

l.17v.2: སེམས་ཐུབ་ཅངྀ་བདག་ཤེས་པར་རུང་གི །གྱི་ན་བྱ་ཞིང་གཞན་ལ་སྦྱིན་དུ་མྱི་རུང༌། །སེམས་མྱེད་པས་ནི་ཡང་དག་པའྀ་

l.17v.3: ཤེས་པ་དགོས། །དྲན་བ་མྱེད་པས་ནི་ལུས་བདེ་བར་བྱསྟེ། །དབེན་བར་མྱི་གཡོ་བར་འདུག་ལ་ཕྱི་མོ་བསྲུངས་ཤིང་

l.17v.4: ཡང་དག་པ་ལ་ཕྱོགས་སོ། །ངའི་ཆོས་གསང་ཞིང་གཅེས་པ། །ཐ་མལ་པ་བླུན་པོ་ཤེས་པ་མྱི་ཟབ་པས་བརྗོད་དུ་མྱྀ་རུང་ངོ༌། །

l.18r.1: ༇།ཿ།ཇི་(ཅི)ནས་ཀྱང་ལེགས་པའི་དཔལ་སྡུད་པའི་མྱིས་ན། །གདོད་མནོད་ཅིང་སྤྱད་ནུས་སོ། །མྱི་ཤེས་པ་ནི་བརྒྱའི་ནང་དུ་ཡང

l.18r.2: བརྒྱ་ཡོད་དོ། །ཤེས་པ་ཡོད་པ་ནི་བརྒྱའི་ནང་ན་ཡང་གཅིག་ཡོད་དོ། །སངས་རྒྱས་བྱ་བར་སེམས་ན་སྔར་སེམས་བདེ་བར

l.18r.3: བྱ་དགོས་སོ། །སེམས་མྱི་བདེ་ན་དགེ་བ་ཡང་དགེ་བ་མ་ཡིན་ན། །ངན་པ་སེམས་ལྟ་སྨོས་ཀྱང་ཅི་དགོས། །སེམས

l.18r.4: བདེ་ཞིང་མྱི་གཡོ་ན། །ལེགས་ཉེས་གཉིས་ཀ་བྱེད་པ་མྱེད་དོ། །སྡོང་པོས་བརྒྱན་པའྀ་མདོ་ལས་ཆོས་གཅིག་གིས་གཅིག་

l.18v.1: མྱི་མཐོང༌། །ཆོས་གྱིས་ཆོས་མྱི་ཤེས་སོ། །ཡུལ་འདིར་ཕྱིན་ནས་ཆོས་ལམ་སྤྱོད་པའི་མྱིང་ཡང་མ་མཐོང་ན་སེམས་བདེ་བར་

l.18v.2: འདུག་པ་མྱེད་པ་ལྟ་སྨོས་ཀྱང་ཅི་དགོས། །བར་བར་མྱི་གཅིག་འགའ་ཙམ་ལས་བྱེད་པ་མཐོང་ན། །ཆོས་ལམ་དང་མྱི

l.18v.3: འཐུན་ (མཐུན་)ཏེ། །ལ་ལ་ནི་མྱིང་སྙན་པ་ཐོས་པ་བྱ་བའི་ཕྱིར། །ལ་ལ་ནི་གསོ་བའྀ་ཁེའྀ་ཕྱིར། །ལ་ལ་ནི་གང་ཟག་དང

l.18v.4: བདག་གྀ་ཕྱིར་ཏེ། །སེམས་ལ་ཕྲག་དོགས་བྱེད་དོ། །ཇི་ལྟ་བུར་ན་ཕྲག་དོགས་ཆེར་བྱས་ན། །ཆོས་ལམ་དང་མྱི་འགལ་བ་ལ་ལ་

l.19r.1: ༇། །ཞིག་གིས་ཆོས་ལམ་སྤྱད་དེ། །གཞུང་ཁོང་དུ་ཆུད་ནས་སྤྱོད་ཅིང་ཤེས་པའི་གནས་མཐོན་པོར་ཕྱིན་ན། །མྱི་ལ་ལ་ཕྱོགས

l.19r.2: ཤིང་རྟེན་ཏེ། གསོའ་བའྀ་ཁཱེ་ཆུང་(ཅུང)ཟད་ཐོབ་ན། །དེ་ལ་ཕྲག་དོག་སྐྱེས་ཏེ། །ཡིད་ལ་སྡང་ཞིང་མྱི་སྡུགསྟེ། །བདག་དེ་ལས་

l.19r.3: ལྷག་པར་ཤེས་པ། །འདོད་པར་འཛིན་པ། དེའི་མྱིང་ཕྲག་དོག་ཅེས་བྱའོ། །ཤེས་རབ་རིག་པ་ཡོད་དེ་ཉིན་མཚན་དུ་སྤྱོད

l.19r.4: པའྀ(པ)་རྣམས་འགྲུས་པར་སྤྱད་པས། མྱ་ངན་ཆོད། དེས་འགགས་ཤིང་ཐོགས་པའྀ་ རྣམས་བསལ་མོད་ཀྱི། །ཆོས་ལམ་ནི་བསྒྲིབས། །

l.19v.1: བགེགས་པ་ནི་སོ་སོ་ནས་གཡོསྟེ། །བདེ་ཞིང་མྱི་གཡོ་བར་མྱི་རུང་བས་ན། །མྱིང་ཆོས་སྤྱོད་ཅེས་བྱ་འི། མྱིང་སེམས་བདེ་ཞེས་མྱི

l.19v.2: བྱའོ། །ལ་ལ་ཕ་རོལ་དུ་ཕྱིན་པ་དྲུག་དང ། ཆོས་འཆད་པ་དང ། བསམ་གཏན་སྤྱོད་པ་དང ། །ལ་ལ་བསམ་གཏན་གཉིས

l.19v.3: དང ། གསུམ་ཐོབསྟེ། །ཉོན་མོངས་པའི་ལས་བརྩོན་འགྲུས་པར་སྤྱོད་པ་ལས་སྩོགས་པ་ཡོད་དུ་ཟིན་ཀྱང༌། །མྱིང

l.19v.4: དགེ་བ་ཞེས་མྱི་བྱ། །མྱིང་ཆོས་སྤྱོད་པ་ཞེས་མྱི་བྱའོ། །སྣྲེད་པའི་ཆུས་ལས་གྱི་ཞིང་མ་བཅུས་གྱི་སྟེང་དུ་དེའི་ནང་དུ་རྣམ་པར་

l.20r.1: ༇། །ཤེས་པའི་ས་བོན་མྱི་བསྐྱེད་པ་དེ་ལྟ་བུའི་དགེ་སློང་ནི། །མྱིང་ཆོས་སྤྱོད་པ་ཞེས་བྱའོ། །དེ་སེམས་བདེ་ཞེས་བྱ་བ་ནི་མདོ་རྣམ་པ་བཞི

l.20r.2: ཡོད་དེ། །གཅིག་ནི་གཞུང་དང་གལ་(འགལ་)བའི་སེམསྟེ། །གཅིག་དུ་མྱི་ཐ་མལ་པ་འྀ་སེམས་ལ་ཕྱོགས་པ་ཡིན་ནོ། །

l.20r.3: གཉིས་ནི་གཞུང་ལ་ཕྱོགས་པའི་སེམས་ཡིན་ཏེ། །སྐྱེ་ཤི་སྐྱོ་ནས་མྱ་ངན་ལས་འདས་པ་བཙལ་ཏེ། །

l.20r.4: སྟོང་ཞིང་མྱི་གཡོ་བ་ལ་ཕྱོགས་པ་སྟེ། །མྱིང་ཉན་ཐོས་པའི་སེམས་ཤེས་བྱའོ། །གསུམ་ནི་གཞུང་ལ་ཕྱོགས་པའི་

l.20v.1: སེམས་ཏེ་བསྒྲིབས་པ་ཆོད་ཅིང་གཞུང་བྱེད་མོད་གྱི། །ཡིད་ལ་མཁས་པར་སེམས་དཔའ་ཡོད་པས་བྱང་ཆུབ་གྱི་སེམས་མ

l.20v.2: ཡིན་ནོ། །བཞི་ནྀ་མཉམ་སྙོམས་པའྀ་སེམས་ཏེ། །ནང་ལོགས་ཀྱང་མྱེད །ཕྱི་ལོགས་ཀྱང་མྱེད་དེ། མཉམ

l.20v.3: སྙོམས་པའི་གཞུང་འཐུན་བ་དེ་ (མཐུན་པ་དེས)ན་སངས་རྒྱས་གྱི་སེམས་ཡིན་ནོ། །ཐ་མལ་པ་དང༌འཕྲུལ་ (འཁྲུལ )་པདང༌སྐྱེ་ཤི་དང༌། འདུ་

l.20v.4: མཆེད་དང༌ཤེས་རབ་དང༌དེ་རྣམས་མ་མཐོངསྟེ། །གཉིས་སུ་མྱེད་པའི་གཞུང་དང་དོན་ཅིག་ཅར་བྱངསྟེ། །ཡིད་ལ་གོས

l.21r.1: ༇།ཿ།པ་དང་གཙང་མ་གཉིས་ཀྱང་གཅིག་སྟེ། །སངས་རྒྱས་དང་སེམས་ཅན་ཀྱང་མཉམ་སྙོམསྟེ་མདོ་གཅིག་གོ། །

l.21r.2: ངོ་བོ་ཉིད་གཙང་བས་ན། །མྱིང་མཉམ་སྙོམས་པའི་སེམས་ཤེས་བྱའོ། །ལིང་ཀའྀ་ཆོས་གྱི་ཡི་གེ་ན་རེ་ཐམས་ཅད་ལ་མྱ

l.21r.3: ངན་ལས་འདས་པ་མྱེད་དེ། །སངས་རྒྱས་མྱ་ངན་ལས་འདས་པ་ཡང་མྱེད་དོ། །ཚོར་བའྀ་ཚོར་བ་ཡང་ཡོང་བྲལ

l.21r.4: ཏེ། །ཡོད་པ་དང་མྱེད་པ་དེ་གཉིས་ཀ་ཡང་བྲལ་ལོ། །ཐེག་པ་ཆེན་པོའི་ཆོས་ལམ་ན་ཕྱི་མོ་ནས་མུ་མྱེད་དེ། །ཁྱབ་པར

l.21v.1: གཙང་ངོ། །ཕྱི་མོ་ནས་ཡོད་དེ་རྒྱུ་ལས་ཐོབ་པ་མ་ཡིན་ནོ། །དཔེར་ན་སྤྲིན་ལྡིང་བས་ཉི་མའྀ་འོད་བསྒྲིབས་པ་དང་མཚུངསོ། །

l.21v.2: སྤྲིན་དང་ན་ཉི་མ་ཡང་སྣང་ངོ༌། །མང་ཞིང་རྒྱ་ཆེར་སློབ་པ་ནི་ཅི་དགོས། །བྱེ་མ་དང་རྡུལ་དང་ཡི་གེ་འབྲུ་དང་ངག་ཀི་ཚིག

l.21v.3: ལ་ཤེས་ཤིང་མཐོང་ན། །སླར་སྐྱེས་ཤྀ་ལམ་ལ་ཕྱོགསོ། །ཁས་བཤད་ཅིང་ཡི་གེའི་རི་མོས་བརྗོད་དེ། །ཆོས་ལམ

l.21v.4: སྤྱོད་ན། །མྱི་དེ་ནི་གསོའ་བའྀ་ཁེལ་ (ཁེ་ལ་)བརྐམ་བས་བདག་ཀྱང་བཤིག །གཞན་ཀྱང་བཤིགསྟེ་ཡང་དག་པར་དགེ་བའི

l.22r.1: ༇།ཿ།གྲོགས་པོ་མ་ཡིན་ནོ། །གཅིག་དུ་ན་དཔེར་མྱེ་ལོང་ཕྱིས་པ་དང་མཚུངསྟེ། །མྱེ་ལོང་གི་དྲི་མ་ཟད་ན་མྱེ་ལོང་སྣང་ཞིང

l.22r.2: གཙང་ངོ༌། །ཡོང་(ཡང)ཆོས་སོ་ཆོག་(ཅོག་)ལ་ཕྱི་མོ་ནས་སྤྱད་པ་མྱེད་དོ། །ཆོས་གྱི་ཡི་གེ་ན་རེ་སངས་རྒྱས་གྱི་བྱས་པ་འང་མྱེད། །

l.22r.3: སངས་རྒྱས་གྱིས་སེམས་ཅན་བསྒྲལ་པ་འང་མྱེད་ན། །སེམས་ཀྱིས་ནན་གྱིས་རྣམ་པར་བརྟགསྟེ། །སངས་རྒྱས

l.22r.4: ཀྱིས་སེམས་ཅན་བསྒྲལ་བའི་སེམས་བྱས་སོ། །སེམས་དེས་བྱ་བ་མྱེད་པ་ལ་མ་རིག་ན །དེ་ནི་མྱི་འགྱུར་བ་མྱེད་པའོ། །

l.22v.1: རིག་ན་མངོན་བར་སྣང་བ་ཡོད་དེ། རྐྱེན་ལས་གཡོས་པའྀ་སྤྱད་པ་ཆེན་པོ་རྒྱས་པར་ཕྱད་དེ་(བྱས་ཏེ)། །བླངས་པ་ཡང་མྱེད། ཐོགས་པ་ཡང

l.22v.2: མྱེད་དེ། མྱིང་ཆོས་ལམ་ཆེན་པོ་སྤྱོད་པ་ཞེས་བྱསྟེ། །བདག་དང་ཕ་ལོགས་གཉིས་སུ་མྱེད་པའོ། །སྤྱད་པོའ་ཆོག་དང

l.22v.3: རུས་སོ་ཆོག་ནི་སྔ་ཕྱི་ཡང་མྱེད། བར་མ་ཡང་མྱེད་དེ། །དེའི་མྱིང་ཐེག་པ་ཆེན་པོ་ཞེས་བྱའོ། །ཕྱི་ནང་ལ་ཡང་ཆགས

l.22v.4: པ་མྱེད་དེ། མཐར་མཉམ་སྙོམས་པ་དེའི་མྱིང་གཏོང་བ་ཆེན་པོསྟེ། །སྦྱིན་བས་ཕ་ལོགས་སུ་ (ཕ་རོལ་ཏུ)ཕྱིན་པ་ཞེས་བྱའོ། །ལེགས་ཉེས

l.23r.1: ༇།ཿ།མཉམ་སྙོམས་ལ་གཉིས་ཀ་ཐོབ་པ་མྱེད་པ་དེ་ནི། ཚུལ་ཁྲིམས་གྱི་ཕ་ལོགས་སུ་ཕྱིན་པ་ཡིན་ནོ། །སེམས་གྱི་ཡུལ

l.23r.2: བྱ་བ་མྱེད་ཅིང་དགྲ་ཟུན་མཉམ་སྙོམས་ན་དེ་བཟོད་པའི་ཕ་ལོགས་སུ་ཕྱིན་པ་ཡིན་ནོ། །ཐུབ་པ་བཞིན་ལས་སྤྱོད

l.23r.3: པ་དེ་ནི་བརྩོན་འགྲུས་གྱིས་ཕ་ལོགས་སུ་ཕྱིན་པ་ཡིན་ནོ། །གསོའ་བ་དང་མྱི་གསོ་བ་གཉིས་སུ་མྱེད་པ་དེ་ནི་བསམ

l.23r.4: གཏན་གྱིས་ཕ་ལོགས་སུ་ཕྱིན་པ་ཡིན་ནོ། །དམ་པའྀ་ (པ)མྱི་གཡོ་བས་སྣང་བ་མྱེད་པ་དེ་ནི་ཤེས་རབ་གྱིས་ཕ་རོལ་དུ་ཕྱིན་པ་ཡིན་ནོ། །

l.23v.1: །འདི་ལྟ་བུར་ཤེས་པ་དེའི་མྱིང་ཐེག་པ་ཆེན་པོ་ཞེས་བྱའོ། །ཐེག་པ་ཆེན་པོ་ཚོལ་བ་སེམས་མྱི་བདེ་ཟིན་ན་ནོར་ཡང་དག་པར་མངོན་ནོ། །ཡང

l.23v.2: རིམ་པ་ཆེན་པོ་ཆོས་གྱི་ཡི་གེ་ན་རེ་སངས་རྒྱས་རྣམས་གྱི་སྤྱན་ལྔས། །སེམས་ཅན་གྱི་སེམས་དང་ཆོས་སོ་ཆོག་ལ

l.23v.3: བརྟགས་ན་མཐར་གཟིགས་པར་མྱི་རུང་ངོ༌། །སྡོང་པོས་བརྒྱན་པའི་མདོ་ལས་མཐོང་བ་མྱེད་ན། །གདོད་མཐོང

l.23v.4: ནུས་པའོ། །ཕན་སེམས་གྱི་མདོ་ལས་མྱིག་གིས་ཅི་འང་མཐོང་བ་མྱེད་དོ། །རྣ་བ་དང་སྣ་དང་ལྕེ་དང་ལུས་དང་ཡིད་དང། །

l.24r.1: ༇།ཿ།རྣམ་པར་ཤེས་པས་ཀྱང་ཤེས་པ་མྱེད། །ཇི་ནས་ཀྱང་ཡང་དག་པར་གཤེགས་པའི་མཐོང་བ་དང་ཐོས་པ་དང་ཚོར་བ་དང་

l.24r.2: ཤེས་པ་བཞིན་དུ་བྱ་བའི་རིགས་སོ། །དེ་ལྟ་བུའི་མཐོང་བ་དང་ཐོས་པ་དང༌། ཚོར་བ་དང་ཤེས་པ་བཞིན་དུ་ནུས་ན། །དེའི་མྱིང

l.24r.3: དྲང་པོ་མཐོང་བ་དང་ཤེས་པ་ཡིན་ནོ། །བསམ་གཏན་གྱི་མདོ་ན་རེ་ཕ་བང་(ཝང)དང་འུག་པས་ནི་ཉིན་མོ་ཅི་ཡང་མྱི

l.24r.4: མཐོངསྟེ། །མཚན་མ་(མོ་)རྫས་མཐོང་བ་ནི་ཀུན་ཤེས་ཀྱང་མྱི་བདེན་བའི་སེམསྟེ། །ཕྱིན་ཅི་ལོག་གིས་ལན་ནོ། །

l.24v.1: དེ་ཅྀའི་ཕྱིར་ཞེས་བྱས་ན་ཕ་བང་འུག་པས་ནྀ། གཞན་གྱི་མུན་པའི་གནས་ལ་སྣང་བར་མཐོང་ངོ༌། །མྱི་ཐ་མལ་པས་ཀྱང་གཞན་གྱྀ

l.24v.2: སྣང་བ་མུན་པར་མཐོངསྟེ། །ཀུན་ཀྱང་མྱི་བདེན་བའི་སེམས་ཡིན་ཏེ། །ཕྱིན་ཅི་ལོག་གི་ལན་ནོ། །གཅིག་ཏུ་ན་ལས

l.24v.3: ཀྱིས་བསྒྲིབས་པས་ཡང་དག་པའི་ཆོས་མ་མཐོང་ངོ༌། །དེ་ལྟ་བས་ན་སྣང་བ་ལ་ཡང་མྱི་འགྱུར་བ་མྱེད། །མུན

l.24v.4: པ་ལ་ཡང་མྱི་འགྱུར་བ་མྱེད་དོ། །འདི་ལྟ་བུ་ཤེས་ན་ཕྱིན་ཅི་ལོག་གིས་བསླད་ཅིང་དཀྲུག་དུ་མྱི་ཟུགསྟེ། །ཡང་དག

l.25r.1: ༇།ཿ།པར་གཤེས་པའྀ་རྟག་སྐྱིད་ང་གཙང་དུ་ཆུད་དོ། །མཁན་པོ་ཆེན་པོ་ན་རེ་ལིང་ཀའྀ་མདོ་ལས་བཤད་པ་། །ཅི

l.25r.2: ལྟ་བུར་ན་སེམས་དང་བ་ཞེས་བྱ། །མྱི་བདེན་བའི་སེམས་མ་བསམས། །སེམས་མྱི་བདེན་བ་མ་བསམས། །གཞན

l.25r.3: བསམ་བ་བསྟུསྟེ། སངས་རྒྱས་བསམ་མོ། །གཞན་བསམ་བ་བསྟུསྟེ་ཤེས་རབ་བསམ་མོ། །རྒྱུན་མ་ཆད

l.25r.4: པར་བསམས་ན། སྟོང་ཞིང་སེམས་མྱེད་དེ །ཕྱི་མོ་སྟོང་པ། །གཙང་མ་རིག་གོ། །ཡང་གཅིག་ཏུ་ན་རེས་ཤིག། །ནོས་ཏེ

l.25v.1: ཕྱིར་མ་ནུར་ན། །རྟག་པར་མྱི་གཡོས་ཏེ། སངས་རྒྱས་གྱིས་བཤད་པ་ཡིན་ནོ།། ཿ །།

lundi 2 janvier 2017

Le coeur du Zen tibétain et de la mahāmudrā

Publié précédemment sur le blog Dans le sillage d'Advayavajra le 16/10/2015.


Sam van Schaik propose de ne pas considérer le Zen tibétain et chinois comme deux traditions différentes, mais comme des pratiques du Zen présentées en deux langues différentes.[1] Le Ch’an et à plus forte raison le Zen sont des noms que l’on attribue rétroactivement à des transmissions qui ne portaient pas encore ces noms. Les débuts du Ch’an semblent se confondre avec la transmission du Sūtra de l’Entrée à Laṅka (Laṅkāvatāra) en Chine. Dans le document IOL Tib J710 de Dunhuang, on trouve le Registre des maîtres et disciples du Laṅka (tib. ling ka’i mkhan po dang slob ma’i mdo), qui raconte la transmission (contestée, voir Yampolsky) de ce sūtra et dans laquelle figurent respectivement Guṇabhadra (394–468), Bodhidharma, Huike, Sengcan et Daoxin. Dans les traditions Zen, c’est le moine indien Bodhidharma que l’on présente le plus souvent comme le fondateur de cette école (de la tradition du Laṅkāvatāra[2]), ou comme celui qui l’avait introduite en Chine au sixième siècle. Le Ch’an s’appelait alors plutôt la « tradition du Laṅkāvatāra ».
« Il semble donc que, à peine constituée, l’école du Chan se soit partagée entre divers courants — que, pour simplifier, nous classerons en trois tendances majeures, représentées respectivement par Huike, Tanlin et Yuan : les pratiquants exclusifs de la « contemplation du principe », ceux qui allient le dhyâna assis à l’étude des Écritures, et ceux qui dénient toute valeur à ces méthodes, de même qu’à tout ce qu’ils qualifient d’« expédients » (upāya). Chacune de ces tendances prétendait évidemment détenir le fin mot en matière de Chan. Cette situation allait bientôt conduire, avec l’accroissement des enjeux politiques et des tensions sectaires qu’entraînaient le succès soudain du Chan au début du huitième siècle, à la controverse stérile entre partisans du « subitisme » et du « gradualisme » qui divisa durablement cette école. 
Ces rivalités sectaires n’auraient eu aucune raison d’être si le Chan était resté un mouvement de contemplatifs détachés du monde. Mais, en faisant école, il avait changé profondément de nature, et ses adeptes en étaient venus à abandonner leur ascèse rigoureuse et leur existence sans feu ni lieu, pour s’organiser en communautés stables et bientôt florissantes. C’est ainsi que la communauté du Dongshan, qui se développa autour de Daoxin et de Hongren, comptait selon le Xu gaosengzhuan plus de cinq cents membres. Son isolement géographique était d’ailleurs tout relatif, et la distance de la capitale n’empêchait pas les adeptes laïcs, et avec eux les donations, d’affluer. Il semble que Daoxin ait disposé de l’appui de quelques protecteurs très puissants, tels que le préfet Cui Yixuan (586-658) et le président du département du grand secrétariat impérial Du Zhenglun (587-658). Par conséquent, c’est sans doute quelque peu idéaliser la réalité que de voir dans cette communauté, comme le font certains chercheurs japonais, un modèle d’autarcie[3]
On trouve Daoxin d’ailleurs dans la transmission du document tibétain de Dunhuang. Selon van Schaik, le document Pelliot tibétain 116 avait une fonction cérémonielle ou rituelle, c’est-à-dire qu’il aurait pu être utilisé à l’occasion de cérémonies de masse d’ordination laïque (vœux de bodhisattva), appelées aussi des « cérémonies de plateforme », qui furent essentielles au développement du Ch’an. Le nom du Sūtra de la plateforme ou de l'estrade, composé par le septième patriarche Shenhui, serait d’ailleurs associé à ce type de cérémonie.

Or, dans le Sūtra de l’estrade, ce n’est pas le Sūtra de l’Entrée à Laṅka qui sert de cadre de récitation doctrinaire au rituel, mais le Sūtra du diamant (sct. Vajracchedikā prajñāpāramitā sūtra), qui souligne davantage l’aspect de vacuité et marque la doctrine de l’école du sixième patriarche Houei-Neng (638-713). La version la plus ancienne (IXème s.) du Sūtra de l’estrade avait par ailleurs été retrouvée à Dunhuang. Cette version est selon Morten Schlütter le produit d’une longue évolution et contient des éléments de différents groupes de Ch’an chacun avec ses propres "agendas".[4]

Dans le « manuel de cérémonie » (Pelliot tib 116), le Sūtra du diamant semble faire partie des textes à réciter, parmi lesquels on trouve aussi les "Vœux de la bonne conduite" (sct. Bhadracaryāpraṇidhānarāja tib. bzang spyod smon lam). A un certain moment, le Sūtra de l’Entrée à Laṅka semble avoir perdu sa place d’axe doctrinaire au profit du Sūtra du diamant[5] : un peu plus de madhyamaka, un peu moins de vijñānavāda ? Plus particulièrement dans le « Zen tibétain ».[6]

Van Schaik nous propose un texte particulièrement intéressant, notamment par rapport à la mahāmudrā sūtrayānique (ou PéPère, PP pour prajñāpāramitā). Il s’agit d’un court texte intitulé Propos sur le coeur de la contemplation de maître Haklenayaśas (tib. ‘gal na yas pa) (IOL tib 709 section 8, ainsi que IOL tib 706 et Pelliot tibétain 812), qui présente le Ch’an comme « l’entrée simultanée dans le Madhyamaka ».[7]
Propos sur le cœur de la contemplation (sct. dhyāna) par maître Haklenayaśas 
Il existe de nombreuses entrées dans la contemplation du Véhicule universel, mais de celles-là, la meilleure est l’entrée simultanée dans le principe du Milieu par excellence (tib. don dbu ma). L’entrée simultanée n’a pas de méthode (sct. upāya), c’est la contemplation (tib. bsgom) de la nature de la réalité (tib. chos nyid kyi rang bzhin). C’est-à-dire les phénomènes sont la pensée, et la pensée est inengendrée. L’inengendré est vide. Comme il est semblable à l’espace, il n’est pas à la portée des six facultés. Cette vacuité est appelée « expérience » (tib. tshor ba sct. vedanā). Mais cette expérience est sans expérience. Aussi, sans se fonder sur la connaissance acquise par l’étude et la réflexion, c’est l’égalité des phénomènes qui est cultivée.[8]
Cette méthode simple qui passe en deux temps semble réunir les deux approches historiques du Ch’an, vijñānavāda et madhyamaka. Tous les phénomènes sont la pensée, et la pensée est inengendrée, vide. Formule que l’on retrouve dans plusieurs recueils de distiques (sct. dohakoṣa) de mahāsiddhas. Par exemple, chez Maitrīpa/Nāropa :
« Tous les phénomènes sont dus à la pensée individuelle
Mais sont vus comme une réalité externe par l’intellect confus
Tout comme dans le rêve qui est vide de substance
La pensée aussi n’est que le mouvement de remémorations et de cognitions. 
N’ayant pas de nature propre, elle est la dynamique de l’énergie vitale
Vide d’essence, elle est comme l’espace
Tous les phénomènes subsistent de façon égale, tout comme l’espace
C’est ce que l’on appelle le Sceau universel
. »[9]
Le cœur de la contemplation (sct. dhyāna, Ch’an, Zen) semble être le cœur du Sceau universel (sct. mahāmudrā).

***

[1] Tibetan Zen, discovering a lost tradition (Snow Lion, Londres, 2015),  p. 19

[2] Le traité de Bodhidharma, Bernard Faure, p. 45 etc.

[3] Le traité de Bodhidharma, Bernard Faure, p. 48, 49

[4] Schlütter, Morten (2007). "Transmission and Enlightenment in Chan Buddhism Seen Through the Platform Sūtra". Chung-hwa Buddhist Journal (Taipei) (20) p. 386 « The Dunhuang version of the text, the earliest complete edition we have, is almost certainly a product of a long evolution with elements coming together from several different Chan groups with different agendas, as the uneven character of the text and its internal inconsistencies attest. »

[5] Van Schaik, p. 101

[6] Van Schaik, p. 103

[7] Van Schaik, p. 103

[8] ༇མཁན་པོ་འགལ་ན་ཡས་བས(མ)་གཏན་གྀ་སྙིང་པོ་བཤད་པའ། །ཐེག་པ་ཆེད་པོའི་བསམ་གཏན་གྀ་སྒོ་ཡང་མང་སྟེ།། དེའྀ་ནང་ན་དམ་པ་ནྀ་དོན་དབུ་མ་ལ་ཅིག་ཅར་འཇུག་པ་ཡྀན་ཏེ། །ཅྀག་ཅར་འཇུག་པ་ལ་ནྀ་ཐབས་མྱེད་དེ་།། ཆོས་ཉྀད་ཀྱྀ་རང་བཞྀན་ལ་བསྒོམ་མོ། །དེ་ལ་ཆོས་ནྀ་སེམས་སེམས་ནྀ་མ་སྐྱེས་པ་འོ། །མ་སྐྱེས་པ་ནྀ་སྟོང་པ་སྟེ།། དཔེར་ནཾཾ་ཀ་(ནམ་མཁའ)དང་འདྲ་བས། །དབང་པོ་དྲུག་གྀ་སྤྱོད་ཡུལ་མ་ཡིན་བས་ན། །སྟོང་པ་དེ་ནྀ་ཚོར་བ་ཞེས་བྱ་འོ། །ཚོར་ནས་ནྀ་ཚོར་བ་ཉྀད་ཀྱང་མྱེད་དེ།། དེ་བས་ན་ཐོས་པ་དང་བསམ་བའྀ་ཤེས་ཤེས་རབ་ལ་།མ་གནས་པར་ཆོས་མཉམ་བ་ཉྀད་ལ་སྒོམས་ཤིག་ཅེས་བཤད་དོ།།

[9] Chants de Plénitude, Joy Vriens, éd. Yogi Ling, p. 120
ཆོས་རྣམས་ཐམས་ཅད་རང་གི་སེམས།
ཕྱི་རོལ་དོན་མཐོང་འཁྲུལ་པའི་བློ།
རྨི་ལམ་བཞིན་དུ་ངོ་བོས་སྟོང༌།
སེམས་ཀྱང་དྲན་རིག་འགྱུ་བ་ཙམ།

རང་བཞིན་མེད་དེ་རླུང་གི་རྩལ།
ངོ་བོ་སྟོང་པས་ནམ་མཁའ་བཞིན།
ཆོས་ཀུན་མཁའ་འདྲ་མཉམ་གནས་ལ།
ཕྱག་རྒྱ་ཆེ་ཞེས་བརྗོད་པ་ཡིན།

dimanche 1 janvier 2017

L'Engagement Sage selon le Zen tibétain



Article déjà publié sur le blog Dans le sillage d'Advayavajra le jeudi 8 octobre 2015.

Sam van Schaik est l’actuel gestionnaire de projet du International Dunhuang Project. Il vient de publier le livre « Tibetan Zen, discovering a lost tradition » (Snow Lion, Londres, 2015). La collection de manuscrits tibétains, chinois etc. retrouvé à Dunhuang[1], permet notamment de reconstituer une forme de zen/ch’an ancien spécifique à cette région, sous l’influence du bouddhisme chinois. Pour van Schaik le Zen (il préfère utiliser le terme japonais, qui est le plus connu) n’est pas une doctrine toute faite qui se serait répandue d’un lieu d’origine vers d’autres endroits, mais la forme que prenait le bouddhisme dans un périmètre spécifique, et qui pouvait prendre des caractéristiques propres à une région, avant que le Zen ne devienne une doctrine orthodoxe au cours du XIème siècle environ.

Nous connaissons un maître Wolun (tib. ‘gwa lun, environ 545-626) qui fut un maître de Ch’an actif dans la région de Dunhuang, dont on trouve trois de ses cinq œuvres dans le document Pelliot tibétain 116. Il fut un prédécesseur du célèbre maître Mahāyāna (Hva śaṅ) qui appartenait à la même lignée. Parmi les manuscrits de Dunhuang, on trouve par exemple aussi un « Traité des deux accès » en chinois attribué à Bodhidharma (Stein 2715 et Pékin su 99), traduit par Bernard Faure dans « Le traité de Bodhidharma ».

Van Schaik propose de ne pas considérer le Zen tibétain et chinois comme deux traditions différentes, mais comme des pratiques du Zen présentées en deux langues différentes.[2] Il avance aussi l’hypothèse que le document Pelliot tibétain 116 avait une fonction cérémonielle ou rituelle, c’est-à-dire qu’il aurait pu être utilisé à l’occasion de cérémonies de masse d’ordination laïque (vœux de bodhisattva), appelées aussi des « cérémonies de plateforme », essentielles au développement du Ch’an. Le nom du Sūtra de la plateforme ou de l'estrade serait d’ailleurs associé à ce type de cérémonie.

Si le document Pelliot tibétain 116 était en effet un manuel de cérémonie, et si on se base sur lui, une cérémonie typique aurait pu commencer par la récitation des "Vœux de la bonne conduite" (sct. Bhadracaryāpraṇidhānarāja tib. bzang spyod smon lam), qui présente la motivation d’un bodhisattva. Elle est suivie par une récitation du Sūtra du diamant (sct. Vajracchedikā prajñāpāramitā sūtra), qui introduit l’audience à la vacuité, et joue par ailleurs un rôle vital dans le Sūtra de l’estrade, si important pour le Ch’an/Zen. L’hypothèse de la cérémonie de van Schaik semble se baser sur le déroulement de la cérémonie décrite justement au début du Sūtra de l’estrade.
« Assis sur un trône élevé dans la salle de prédication du temple de la Grande Chasteté, maître Houei-neng donna des enseignements sur la Mahāprajñāpāramitā et transmit les voeux sans apparence [formless precepts]. Au pied de son trône se pressaient plus de dix-mille moines, nonnes, adeptes et laïcs. »[3]
Il s’agit des préceptes de refuge, suivis des préceptes de bodhisattva. Après la prise des préceptes, le maître enseigne généralement la vacuité, en faisant référence au Sūtra du diamant. Van Schaik fournit la traduction anglaise du texte/sermon Single method of non-apprehension (tib. dmigs su med pa tsh'ul gcig pa′i gzhung). Le document Pelliot tibétain 116 poursuit avec une collection d'enseignements de 18 maîtres, un enseignement sur l’éveil immanent en chaque individu, des instructions de méditation et se termine avec un chant inspirant. Cette cérémonie, auquel van Schaik se réfère comme "une initiation Zen", aurait pu être le rituel central d’un événement annoncé bien en avance, afin de permettre aux convives de s’organiser et d’y participer. La transmission des préceptes pouvait être suivie d’une retraite de méditation.[4] Ce qui n’est pas sans rappeler les grands camps de méditation qu’organisa le maître mahāmudrā et dzogchen Tokden Shakya Shri (rtogs ldan shAkya shrI), 1853-1919).[5] Van Schaik rappelle d’ailleurs que malgré l’interdiction traditionnelle de l’apport bouddhiste chinois, les traditions de Zen tibétain ont continué d’exister. Il cite quelques exemples.[6]

Notons l’absence d’éléments tantriques caractéristiques de ces cérémonies de Zen tibétain. Prenons note aussi de l’avertissement de van Schaik, que ces documents ont été retrouvés en compagnie d’autres documents de type mahāyoga tantrique et d’objets susceptibles d’être des objets rituels, laissant ainsi ouverte la possibilité d’une fusion avec le mahāyoga tantrique pour former le « dzogchen ».

Van Schaik a traduit un document (Single method of non-apprehension tib. dmigs su med pa tsh'ul gcig pa′i gzhung) de la série Pelliot tibétain 116. Krishna del Toso va publier un article sur un texte d’une autre série de 9 ou 10 manuscrits « Zen tibétain » (IOL Tib J 709). Il s’agit d’une instruction attribué au maître inconnu Byang chub klu dbang. On trouve aussi dans le document IOL Tib J 709 un petit texte anonyme sur la Sagesse (sct. prajñā) et l’Engagement (sct. upāya), dont il forunira la traduction anglaise.

La série IOL Tib J 709 commence par un texte attribué au fameux maître ch'an chinois Heshang Moheyan (和尚摩訶衍; VIIIème s.), en tibétain Ma-ha-yan, et qui porte le titre bsam gtan cig car ’jug pa’i sgoLa porte d'accès simultané à la méditation. Les termes « porte d'accès », « porte » ou encore « accès » (ou entrée) et « accès simultané » (tib. gcig car du 'jug pa sct. yugapad avatara) semblent être caractéristiques de la méthode utilisée dans le bouddhisme ch'an. Il existe deux apocryphes attribués à Bodhidharma dans cette école portant le titre « Traité des deux accès » (théorique et pratique), traduits par Bernard Faure dans Le traité de Bodhidharma (voir ci-dessus). Ce texte est également une traduction (du chinois) d'un manuscrit de Dunhuang (Stein 2715 et Pékin su 99).

La méthode prônant « l'accès » (simultané) n'est cependant pas exclusif au ch'an, rappelons par exemple l'incantation pour entrer dans la non-représentation (sct. avikalpapraveśanāmadhāraṇī tib. rnam par mi rtog par 'jug pa'i gzungs) ou encore des textes attribués à Vimalamitra : l'Entrée simultanée dans la non-repérsentation (tib. cig car 'jug pa'i rnam par mi rtog pa'i bsgom don) et l'Entrée graduelle (tib. rim gyis 'jug pa'i bsgom don). Rappelons pour finir la présence du terme accès/entrée dans le titre d'un sūtra capital pour le ch'an, l'Entrée à Laṅkā (Laṅkāvatāra).

Le texte de Byang chub klu dbang est donc classé parmi des textes de type « Zen tibétain » et de l'approche simultanée telle qu'elle fut pratiquée au Tibet. Krishna del Toso résume ce texte ainsi (la traduction française est de moi) :
"34a1: introduction;
34a1-2: définition de la parole vraie (satyavacana) d’un bodhisattva;
34a3-4: référence à la pratique de l’égalité (samatā) et du contentement (āsvāda);
34a4: référence à la pratique de la maîtrise des sens et du souffle
34a4-5: référence à la méditation conduisant à l’état qui ne requiert plus l’attention ;
34a5-b2: définition de la pensée d’un bodhisattva ;
34b2-3: définition de l’inexprimabilité ;
34b3-4: définition de la remémoration du dharmatā;
34b4: définition de l’inexprimable ;
34b5-28a1: description de la pratique conduisant au non-oubli des remémorations ;
35a1-2: définition de l’Engagement (upāya) par rapport à la Sagesse (prajñā) ;
35a2: référence à la pratique conduisant à l’égalité ;
35a2-4: description de la méthode conduisant à la pure vision [regard simple ?] de la réalité ;
35a4-5: instructions pour atteindre la Sagesse par la méditation ;
35a5-b1: référence à un extrait de sūtra (il pourrait s’agir du Buddhāvatamsakasūtra);
35b1-3: référence à une instruction sur l’autoconnaissance (svapratyātmāryajñāna), dont il est dit qu’elle est originaire du Śatasāhasrikāprajñāpāramitāsūtra;
35b3-5: définition de ce qui nous distrait de la méditation et de la concentration;
35b5-36a1: identification des distractions précédentes et de ce qui ne constitue pas la prajñāpāramitā;
36a1-3: définition des quatre parfaites postures (īryāpatha)[7] en des termes apophatiques, tel l’état de cessation de toute fabrication mentale."
On peut déduire de ce résumé que le chemin du bodhisattva proposé est un chemin progressif, même s'il comporte un élément « simultané ». L'accès simultané se prépare, et quand il a eu lieu, il est maintenu jusqu'à ce qu'il se maintienne de lui-même. Cet accès est le chemin du perfectionnement de la Sagesse (sct. prajñā) dans toutes les activités quotidiennes (īryāpatha).
« Ne rien remémorer et ainsi
Rester ouvert, le corps détendu, les sens en éveil
La pensée vigilante (sct. apramāda)
Tout en diminuant la respiration
Sans discriminer entre les états passagers
L'on fait les quatre types d'activités dans l'égalité
C'est ainsi que la Sagesse devient expert en l’Engagement
. »[8]
Le septième texte de la série IOL Tib J 709 élabore sur l'union de l’Engagement et de la Sagesse. Voici sa traduction française.
« Avoir à la fois l’Engagement (sct. upāya) et la Sagesse (sct. prajñā)[9] 
Comme [l’Engagement et la Sagesse] sont indissociés en l'état sans concept (tib. 'du shes bsam du med pa), celui-ci est l'union de l’Engagement et de la Sagesse. Les actes de perfectionnement (sct. pāramitā) et l'action pour le bien des êtres constituent l’Engagement (sct. upāya). Le fait de ne pas s'investir (tib. mi gnas pa sct. apratiṣṭhita) en cela est la Sagesse (sct. prajñā). Considérer les êtres comme réels est l’Engagement, ne pas s'appuyer (sct. anupalabdha) sur les êtres est la Sagesse. Ne considérer les êtres ni comme réels ni comme irréels, c'est être doté à la fois de l’Engagement et de la Sagesse. Agir d'une façon constructive authentique est l’Engagement, ne pas avoir de considération pour les fruits, ni les espérer est la Sagesse. Savoir que les actions avec ou sans dharmatā[10] sont indifférenciables, c'est être doté à la fois de l’Engagement et de la Sagesse. »[11]
En quoi consiste la Sagesse ? Elle est présentée dans le bouddhisme par la connaissance du non-soi (P. anatta). Non-soi veut simplement dire qu'il n'y a pas de soi qui existe indépendamment. Il n'y a pas d'essence dans un individu ou dans un phénomène, qui le séparerait de tout le reste, et qui ferait qu'un individu ou un phénomène ne soit pas interdépendant.
« Ce qui n'est pas essentiel est vu comme essentiel (tib. snying po)
Et ce qui est essentiel comme inessentiel
Ceux qui ont comme perspective des représentations fausses
N'atteindront pas l'essentiel
 
Ce qui est essentiel est vu comme essentiel
Et ce qui manque d'essence comme inessentiel
Ceux qui ont comme perspective des représentations justes
Atteindront l'essentiel
 »[12] (Dhammapāda, Chapitre premier : La section des paires)
Agir dans l'intérêt d'un corps que l'on conçoit séparé de l'ensemble, sans considération de l'ensemble, voire contre les intérêts de l'ensemble des corps, serait agir sans Sagesse. Les vers suivants sont extraits du Bodhicaryāvatāra (chapitre 8) de Śāntideva.
« 95. Moi-même et les autres
Sommes égales dans notre désir de bonheur
Qu’y a-t-il alors de si particulier en moi-même
Qui justifierait que je réalise uniquement mon propre bonheur ?
 [13] 
96. Moi-même et les autres
Sommes égales dans notre refus de la douleur
Qu’y a-t-il alors de si particulier en moi-même
Qui justifierait que je me protège moi, mais pas les autres ?
 [14]
102. En l’absence d’appropriation de la douleur
Il n’y aucune différence entre chacun des éléments [de l’ensemble]
La douleur doit alors éliminée parce que c’est de la douleur
Cela étant établi, que faire ensuite 
?[15] 
111. À force d’habitude j’ai réussi à appeler « moi »
La goutte [constituée] du sperme et du sang de [deux] autres personnes
Sans que rien ne le justifiait
En comprenant cela
 [16]
112. Pourquoi ne pas considérer
Les corps des autres comme « moi » ?
Transférer [l’idée] de « mon corps »
A celui des autres n’est guère plus difficile
.[17
115. Tout comme ce corps-ci sans essence individuelle (sct. nirātmaka)
A pu produire l’idée de « moi », à force d’habitude
Pourquoi ne pas produire l’idée de « moi »
[En l’appliquant] à tous les autres êtres ? 
[18]
116. En se souciant des autres de cette façon
Cela ne sera pas un geste produisant de la fierté ou de l’émerveillement
Ce serait [tout simplement] comme l’acte de manger[19] Dont on n’attend aucun retour [non plus]
117. Par conséquent, tout comme [auparavant] je me protégeais
Contre la moindre atteinte à ma réputation
Je me vouerai [désormais] à la protection des autres
Et à développer un esprit altruiste
. »[20]
Quand le corps individuel qui "n'est pas essentiel [mais] est vu comme essentiel" est dépassé dans la vue du "corps universel", "qui est essentiel [et qui] est vu comme essentiel", tout acte (sct. īryā-patha) est dans l'intérêt du "corps universel", sans en "attendre aucun retour", "la douleur devant être éliminée [simplement] parce que c’est de la douleur".

Dans cette conception, non-soi, upāya et prajña n'ont rien de métaphysique ou de magique. L'upāya n'est pas la "Science ésotérique" transmise de myste à myste, ni une habileté particulière, ni une "folle Sagesse", mais simplement l’Engagement. Et cet engagement est équilibré et guidé par la Sagesse.

***

[1] « Au cours de la seconde moitié du VIIe siècle, l'Empire du Tibet s'empare de Dunhuang, et n'en sera chassé que vers la fin de la dynastie Tang, en 851. »

[2] Tibetan Zen, p. 19

[3] Traduction de Patrick Carré. Le Soûtra de l’Estrade du sixième patriarche Houei-neng, p. 15

[4] Van Schaik, p. 7, qui renvoie à Yanagida, Shoki zenshū shisho no kenkyū(1967) et Adamek, The Mystique of Transmission (2007).

[5] Source

[6] Van Schaik, pp. 16-17

[7] 1) īryā-patha [iriyā-patha] ways of movement. The Sanskrit root īr means to go or to move. Īryā-patha connotes bodily postures, namely, walking, standing, sitting and lying. In the Satipaṭṭhāna Sutta these postures are mentioned as objects of contemplation. The purpose behind considering them as objects of contemplation is that while walking the aspirant fully understands that walking is a mere action; there is no agent behind the action. Thus he remains free from the notion of an eternal soul.
2) iriyā-patha (lit. 'ways of movement'): 'bodily postures', i.e. going, standing, sitting, lying. In the Satipaṭṭhāna Sutta (s. Satipaṭṭhāna), they form the subject of a contemplation and an exercise in mindfulness.
"While going, standing, sitting or lying down, the monk knows 'I go', 'I stand', 'I sit', 'I lie down'; he understands any position of the body." - "The disciple understands that there is no living being, no real ego, that goes, stands, etc., but that it is by a mere figure of speech that one says: 'I go', 'I stand', and so forth." (Com.). Source

[8] dran ba myi brjed de yang ni//
yangs shing lus khlod dbang po phye//
bag dang ldan pa’i sems kyis ni//
dbugs kyang shin du bskyung bar bya//
rkyen gi go skabs myi dbye bar//
spyod lam rnam bzhir snyoms par spyad//
de ni shes rab thabs mkhas pa’o

[9] Selon le site IDP, il s'agirait d'une citation du Laṅkāvatārāgama. L'expression se trouve aussi dans : shes rab kyi pha rol tu phyin pa 'bum pa rgya cher 'grel pa Sct. satasahasrikaprajnaparamitabrhattika toh: 3807,

[10] P.e. སྦྱིན་པ་ལ་སོགས་པ་ཐམས་ཅད་ལ་དོན་དམ་པར་ ཆོས་ཉིད་ཀྱིས་སྤྱོད་པ ་མེད་པ་ཉིད་ཡིན་ཡང་། ཀུན་རྫོབ་ཏུ་འཁོར་གསུམ་རྣམ་པར་དག་པས་སྤྱོད་པའོ་ཞེས་གསུངས་པ་ནི་སྤྱོད་པ་ཟབ་པ་ཡིན་ཏེ། Extrait de g.yag TIk (rdzong sar khams bye'i glog klad par ma/

[11] Transcription de ce passage IOL Tib J 709, 41b2-42a5:

thabs dang shes rab du ldan ba ni// ’du shes bsam du myed pa la dbyer myed pa ni// thabs dang shes rab zung du ’brel pa ’o// pha rol du phyin pa las stsogs pa | sems can gI don du spyod pa nI thabs so// pha rol du phyin pa las stsogs pa | sems can gi don du spyod pa ni thabs so// [42a1] de nyid la myi gnas pa ni shes rab bo// sems can yod par lta ba ni thabs so// sems can myi dmyigs pa ni shes rab bo// sems can yod pa dang med par nyi (myi?) lta ba ni// thabs dang shes rab du ldan zhing ’brel pa ’o// rnam par dag pa’i dge ba’ spyod pa ni thabs so// de’i ’bras bu la myi lta zhing lan myi re ba ni shes rab bo// chos nyid kyis spyod pa dang | myi spyod pa la// gnyis su myed par shes na’// thabs dang shes rab zung du ’breld pa ’o | |.

[12] Snying po med la snying po dang//
snying po snying po med par mthong//
mi bden kun rtog spyod yul can//
de rnams snying po 'thob mi 'gyur//
snying po can la snying po dang//
snying med snying po med par mthong//
yang dag rtog pa'i spyod yul can//
de rnams snying po 'thob par 'gyur//

[13] [6] yadā mama pareṣāṃ ca tulyam eva sukhaṃ priyam |tadātmanaḥ ko viśeṣo yenātraiva sukhodyamaḥ ||95||

gang tshe bdag dang gzhan gnyi ga// bde ba ’dod du mtshungs pa la// bdag dang khyad par ci yod na// gang phyir bdag gcig bde bar brtson//

[14] yadā mama pareṣāṃ ca bhayaṃ duḥkhaṃ ca na priyam |tadātmanaḥ ko viśeṣo yat taṃ rakṣāmi netaram ||96||

gang tshe bdag dang gzhan gnyi ga// sdug bsngal mi ’dod mtshungs pa la// bdag dang khyad par ci yod na// gang phyir gzhan min bdag srung byed//
[15] asvāmikāni duḥkhāni sarvāṇy evāviśeṣataḥ |duḥkhatvād eva vāryāṇi niyamas tatra kiṃ kṛtaḥ ||102||

sdug bsngal bdag po med par ni// thams cad bye brag med pa nyid// sdug bsngal yin phyir de bsal bya// nges pas der ni ci zhig bya//

[16] bhyāsād anyadīyeṣu śukraśoṇitabinduṣu |bhavaty aham iti jñānam asaty api hi vastuni ||111|| 

goms pa yis ni gzhan dag gi// khu ba khrag gi thigs pa la//dngos po med par gyur kyang ni// bdag go zhes ni shes pa ltar//

[17] tathā kāyo ’nyadīyo ’pi kim ātmeti na gṛhyate |paratvaṃ tu svakāyasya sthitam eva na duṣkaram ||112|| 

de bzhin gzhan gyi lus la yang*// bdag ces ci yi phyir mi gzung*// bdag gi lus ni gzhan dag tu’ang*// bzhag pa de ltar dka’ ba med//

[18] Ou d'autres īryā-patha, qui ne sont autres que l’Engagement, l'upāya, aussi ordinaire soit-il. Subvenir aux besoins du "corps" qui ne se limite pas à un corps individuel.

[19] yathātmabuddhir abhyāsāt svakāye ’smin nirātmake |pareṣv api tathātmatvaṃ kim abhyāsān na jāyate ||115||

ji ltar bdag med lus ’di la// goms pas bdag gi blo byung ba// de bzhin sems can gzhan la yang*// goms pas bdag blo cis mi skye//

[20] evaṃ parārthaṃ kṛtvāpi na mado na ca vismayaḥ |ātmānaṃ bhojayitvaiva phalāśā na ca jāyate ||116||

de lta na ni gzhan gyi don// byas kyang ngo mtshar rlom mi ’byung*// bdag nyid kyis ni zas zos nas// lan la re ba mi ’byung bzhin//

[21] tasmād yathārtiśokāder ātmānaṃ goptum icchasi |rakṣācittaṃ dayācittaṃ jagaty abhyasyatāṃ tathā ||117||

de bas ji ltar chung ngu na// mi snyan las kyang bdag bsrung ba// de bzhin ’gro la bsrung sems dang*// snying rje’i sems ni goms par bya//